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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/137

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AURORA FLOYD

père, et avec un mouvement nerveux dans ses lèvres minces.

— Lorsque vous vîntes ici, madame Powell, — dit John gravement, — vous vîntes comme l’hôte de ma femme et comme son amie. Je n’ai guère besoin de vous dire que vous n’aviez pas besoin de meilleur titre à mon amitié et à mon hospitalité. Si vous aviez amené un régiment de dragons avec vous, comme condition de votre séjour ici, ils auraient été les bienvenus, car je croyais que votre arrivée ferait plaisir à ma pauvre enfant. Si ma femme vous avait été redevable pour un mot de bienveillance, pour un regard affectueux, je vous aurais remboursé cette dette un millier de fois, s’il avait été en mon pouvoir de le faire. Vous n’auriez rien perdu pour votre amour pour ma pauvre enfant, si quelque dévouement de ma part eût pu vous récompenser pour cette tendresse. Il était raisonnable que je vous regardasse comme l’amie naturelle et la conseillère de ma chérie, et je le fis honnêtement et avec confiance. Pardonnez-moi si je vous dis que bientôt je découvris combien je m’étais trompé en entretenant de pareilles espérances. Je vis promptement que vous n’étiez pas l’amie de ma femme.

— Monsieur Mellish !

— Oh ! ma chère dame, vous croyez que parce que j’entasse des bottes de chasse et des armes dans la chambre que j’appelle mon cabinet, et parce que je ne me rappelle pas plus du latin que mon précepteur m’a mis dans la tête que de la première ligne de la syntaxe d’Eton, vous pensez que je ne suis pas spirituel et que je dois nécessairement être un niais. Je ne suis pas assez spirituel pour être un sot ; j’ai juste assez de perception pour voir le danger qui menace ceux que j’aime. Vous n’aimez pas ma femme : vous êtes envieuse de sa jeunesse, de sa beauté et de mon amour insensé pour elle ; et vous avez surveillé, écouté, comploté, comme une vraie femme bien entendu, pour lui faire du mal. Pardonnez-moi si je vous parle ouvertement. Je sens très-vivement ce qui concerne Aurora. Lui faire mal au petit doigt, c’est torturer tout mon corps. La battre une fois, c’est me battre cent fois. Je n’ai pas le désir d’être discourtois envers une femme, je suis seulement fâché que