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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/152

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AURORA FLOYD

elle à la fin. L’illusion qui fit que j’épousai cet homme s’évanouit en une semaine environ. Au bout de ce temps, je découvris que j’étais à la merci d’un misérable, qui cherchait à se servir de moi le plus qu’il pouvait pour arracher de l’argent à mon père. Pendant quelque temps je me soumis, et mon père paya et paya chèrement pour la folie de sa fille ; mais il refusa de recevoir l’homme que j’avais épousé, ou de me voir jusqu’à ce que je fusse séparée de lui. Il offrit au groom une rente, à condition qu’il irait en Australie et cesserait tout rapport avec moi. Mais cet homme voulait jouer un jeu plus fort : il désirait arriver à une réconciliation avec mon père, et il pensait qu’avec le temps la résolution de ce tendre père cèderait par la force de son amour. Ce fut un peu plus d’un an après notre mariage que je fis une découverte qui me transforma en un moment, de jeune fille que j’étais, en une femme, une femme pleine du désir de la vengeance, monsieur Bulstrode. Je découvris que j’avais été insultée, trompée, outragée par un misérable qui riait de mon ignorante confiance en lui. J’avais appris à haïr cet homme longtemps avant que cela arrivât ; j’avais appris à mépriser ses mensonges éhontés, ses prétentions insolentes ; mais je ne crois pas que j’aie senti ses profondes infamies bien vivement avant cela. Nous voyagions dans le sud de la France, mon mari faisant le grand seigneur avec l’argent de mon père, quand je fis cette découverte ; ou plutôt non, car elle me fut révélée par une femme qui savait mon histoire et me prenait en pitié. Une demi-heure après, j’agis en conséquence. J’écrivis à Conyers, lui disant que j’avais découvert ce qui me donnait le droit d’en appeler à la loi pour me délivrer de lui, et que si je m’abstenais de le faire, c’était par amour pour mon père, et non pas pour lui. Je lui dis que tant qu’il me laisserait tranquille et qu’il garderait mon secret, je lui ferais remettre de temps en temps de l’argent. Je lui dis que je le laissais avec les relations qu’il s’était choisies, et que ma seule prière était que Dieu, dans sa grâce, pût m’accorder de l’oublier complétement. Je laissai la lettre à la concierge, et je quittai l’hôtel de manière qu’il ne trouvât aucune trace du chemin