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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/153

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AURORA FLOYD

que j’avais pris. Je m’arrêtai à Paris quelques jours, attendant une réponse à une lettre que j’avais écrite à mon père, pour lui dire que Conyers était mort. Peut-être fut-ce le plus grand péché de ma vie, Talbot. Je trompais mon père, mais je crus que je faisais une sage et bonne action en lui rendant le calme et le repos. Il n’aurait jamais été heureux aussi longtemps qu’il eût cru que cet homme vivait. Vous comprenez tout maintenant, Talbot, dit-elle tristement.

— Vous vous rappelez le matin à Brighton ?

— Oui, oui, et le journal avec le passage marqué, l’annonce de la mort du jockey.

— Ce rapport était faux, Talbot, dit Aurora, Conyers n’était pas encore mort.

La figure de Talbot devint subitement pâle. Il commença à comprendre quelque chose de la nature du trouble qui avait amené Aurora à lui.

— Quoi ! il était encore vivant ? — dit-il anxieusement.

— Oui, jusqu’à avant-hier soir.

— Mais où… où était-il pendant tout ce temps ?

— Pendant les dix derniers jours… à Mellish Park.

Elle lui raconta la terrible histoire du meurtre. La mort de l’entraîneur n’avait pas encore été insérée dans les journaux de Londres. Elle lui dit cette horrible histoire, et puis, le regardant avec une figure sérieuse, implorante, comme elle l’aurait fait s’il eût été son frère, elle le supplia de l’aider et de lui donner un conseil dans ce terrible moment.

— Enseignez-moi ce qu’il y a à faire pour mon cher mari, dit-elle, ne pensez ni à moi ni à mon bonheur, Talbot, ne pensez qu’à lui. Je ferai tous les sacrifices : je me soumettrai à tout. Je désire expier envers mon pauvre mari tous les chagrins que je lui ai apportés.

Bulstrode ne fit aucune réponse à cet appel désespéré. Son esprit était à l’œuvre : il était occupé à résumer les faits, à les mettre devant lui, pour les combattre : et il n’avait aucune peine à prendre pour cacher sa pensée ou son émotion. Il se promenait dans la chambre, les sourcils froncés et la tête baissée.