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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/156

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AURORA FLOYD

Mellish. C’était une dépêche très-courte, lui disant seulement de venir à la ville sans délai, et qu’il trouverait Aurora à Halfmoon Street. Bulstrode retourna tranquillement à la maison, par un brillant soleil matinal, après avoir accompli son devoir. Les rues de Londres étaient claires et humides de rosée, car il n’était qu’un peu plus de sept heures, et les fraîches brises du matin venaient essuyer les toits des maisons, apportant la santé et la pureté. Les brumes du matin étaient doucement amoncelées sur l’herbe usée de Green Park, et de tristes créatures, qui n’avaient pas eu de meilleur abri que le ciel tranquille, s’en allaient en se glissant furtivement pour trouver quelque misérable endroit pour se reposer, dans cette libre cité dans laquelle s’asseoir pendant un temps déraisonnable sur les marches d’une porte, et demander du pain à un riche citoyen, c’est commettre une offense qui ne peut se dire.

Il était sérieusement impossible pour un jeune législateur pas encore tout à fait aguerri au long combat de la vie avec le temps, que l’on ne pense jamais être bien employé, il était sérieusement impossible pour un jeune libéral au cœur ardent, de se promener dans ces rues tranquilles sans penser à ces choses. Talbot réfléchissait sérieusement et très-tristement. À quel but tendaient ses travaux après tout ? Il combattait pour les mineurs de Cornouailles ; livrant bataille avec l’esprit rampant des circonlocutions pour l’amour de misérables enfoncés dans l’obscurité du noir abîme de l’ignorance, cent fois plus profond et plus sombre que les matières obscures dans lesquelles ils travaillaient. Il faisait de son mieux pour que ces hommes puissent apprendre, d’une manière facile et sans prétention, les plus simples éléments de l’amour chrétien et des devoirs domestiques. Il travaillait pour ces créatures mises à part, dans leur coin oublié de la terre, et tout autour et près de lui était une ignorance encore plus terrible, parce que là se donnait la main, avec l’ignorance de tout ce qu’il y a de bien, la fatale expérience du mal. Le simple mineur des Cornouailles qui enfonce sa pioche dans le crâne de son ami, quand il désire renforcer un argument, agit ainsi