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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/158

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AURORA FLOYD

une heure et demie, et je serais déjà parti si je n’avais craint de réveiller la maison !

Il fit un second essai pour monter dans la voiture, mais Talbot lui prit le bras.

— Vous n’avez pas besoin d’aller à Felden, — dit-il, — votre femme est beaucoup plus près !

— Elle !

— Elle est chez moi. Venez déjeuner.

Il n’y avait point d’ombre dans l’esprit de Bulstrode, quand son vieux camarade d’école le prit par la main, et lui disloqua presque le poignet dans un élan de joie et de reconnaissance. Il lui était impossible de regarder au-delà du soudain rayon de soleil qui éclata sur la figure de John. Si Mellish eût été séparé de sa femme depuis dix ans, et fût revenu des antipodes dans le seul but de la revoir, il aurait à peine paru plus enchanté à l’idée de cette rapide rencontre.

— Aurora ici !… — dit-il, — chez vous !… Mon vieil ami, que me dites-vous là ? Mais j’aurais pu deviner qu’elle était venue chez vous. Elle ne pouvait faire quelque chose de mieux ou de plus sage, après avoir été si insensée que de douter de moi.

— Elle est venue à moi pour me demander conseil, John ! Elle m’a demandé de la conseiller pour savoir comment il fallait agir pour votre bonheur, votre bonheur à vous et non pas le sien.

— Que son noble cœur soit béni, — dit Mellish, — et vous lui avez dit ?…

— Je ne lui ai rien dit, mon cher ami, mais je vous conseille d’aller demain chez votre notaire, de prendre une nouvelle autorisation, et d’épouser votre femme pour la seconde fois, dans quelque petite église de la Cité, bien tranquille et bien écartée.

Aurora s’était levée de très-bonne heure ce tranquille dimanche matin. Quelques heures d’un sommeil fiévreux et agité lui avaient apporté peu de repos. Elle se tenait debout, la tête appuyée contre le chambranle de la fenêtre et regardait sans espoir dans les rues désertes de Londres.