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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/159

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AURORA FLOYD

Elle songeait au commencement désolé d’une nouvelle vie, à l’incertitude d’un avenir inconnu. Toutes les petites misères particulières à une toilette faite dans une chambre étrangère étaient doublement misérables pour elle. Lucy avait apporté à la pauvre voyageuse sans bagages, toutes les mille nécessités d’une table de toilette et avait arrangé tout de ses propres mains.

Mais la moindre petite chose qu’Aurora touchait dans la chambre de sa cousine reportait sa mémoire vers quelque objet de prix choisi pour elle par son époux. Elle avait voyagé dans sa blanche toilette du matin, et les fines dentelles et la mousseline avaient perdu leur fraîcheur dans son voyage : mais comme deux toilettes de Lucy, réunies ensemble, auraient à peine été à sa forte cousine, Mme Mellish fut obligée de se contenter de cette robe de mousseline fanée. Qu’importait ? Les charmants yeux qui observaient chaque nœud de ruban, chaque morceau de lacet, chaque pli de son vêtement, étaient peut-être destinés à ne plus jamais les voir. Elle enroula ses cheveux en une masse négligée derrière sa tête et avait achevé sa toilette quand Lucy vint à la porte, tendrement inquiète, pour savoir comment elle avait dormi.

— J’agirai d’après les conseils de Talbot, — répéta-t-elle de nouveau, — s’il dit que le mieux à faire pour mon cher mari est que je parte, je m’en irai pour toujours. Je demanderai à mon père de m’emmener bien loin, et mon pauvre chéri ne saura seulement pas où je serai allée. Je serai sincère dans ce que je ferai et je veux le faire exactement.

Elle regardait Bulstrode comme un juge infaillible, elle se soumettait d’avance et très-volontiers à sa sentence. Peut-être fit-elle cela parce que son cœur répétait toujours : « Retourne vers l’homme qui t’aime ; retourne, retourne. Tu ne peux pas lui faire plus de mal qu’en l’abandonnant. Il n’y a pas de malheur que tu puisses lui apporter qui soit égal au malheur de te perdre. Laisse-moi être ton guide. Retourne, retourne ! »

Mais ce moniteur égoïste ne doit pas être écouté. Com-