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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/163

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AURORA FLOYD

et regarda dans l’intérieur mystérieux d’un grand pâté avec une telle intensité qu’il semblait qu’il ne pourrait jamais en sortir. Il employa plusieurs minutes à cette sérieuse contemplation, et lorsqu’il leva la tête, Aurora était calme, pendant que Mellish affectait une gaieté qui n’était pas naturelle, et ne montrait pour tout signe d’émotion passée qu’une légère inflammation des paupières.

Mais ce mari vigoureux, dévoué, impressionnable, fit le plus extraordinaire repas en l’honneur de cette réunion. Il répandit de la moutarde sur ses gâteaux. Il versa de la sauce de Worcester dans son café et de la crème sur ses côtelettes. Il manifesta sa reconnaissance à Lucy en chargeant son assiette de mets qu’elle ne désirait pas. Il parlait perpétuellement, et dévorait des viandes d’une manière peu convenable. Il serra les mains de Talbot tellement souvent à travers la table du déjeuner, qu’il exposait les plats et les membres de toute la compagnie à l’imminent péril de recevoir une partie de l’eau bouillante contenue dans la bouilloire. Il fut pris d’un accès de toux et se rendit la figure écarlate par un usage peu judicieux de poivre de Cayenne, et il montra en même temps une gaieté tellement insensée, que Talbot fut forcé d’avoir recours à toute sorte d’expédients pour tenir les domestiques hors de la chambre pendant le cours de ce repas bruyant et effrayant.

Les journaux du dimanche furent apportés au maître de la maison avant que le déjeuner fût fini, et tandis, que John parlait, mangeait, gesticulait, Bulstrode se cacha derrière la feuille ouverte de la dernière édition du Weekly Dispath, pour lire un paragraphe qui était dans ce journal.

Ce paragraphe donnait un court récit du meurtre et de l’enquête qui avait eu lieu à Mellish, et se terminait par la phrase stéréotypée :

« La police locale donne une attention constante à cette affaire, et nous pensons pouvoir affirmer qu’elle a obtenu un indice qui pourra probablement mener à la prompte découverte du coupable. »

Bulstrode, tenant le journal devant sa figure, resta encore un petit moment à froncer le sourcil sur la page sur laquelle