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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/165

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AURORA FLOYD

brise d’été parvenait à faire frissonner l’herbe épaisse, d’où le bétail paresseux regardait passer le phaéton.

Ah ! combien Aurora se trouvait heureuse, assise à côté de l’homme dont l’amour avait lassé tous les obstacles. Quel bonheur ! Cette sombre muraille qui les avait séparés était aplanie, et ils étaient bien réellement unis l’un à l’autre ! Mellish était pour elle aussi tendre, aussi attentionné que l’est une mère pour l’enfant auquel elle a pardonné. Il ne demandait pas d’explication ; il ne cherchait pas à connaître le passé. Il se trouvait heureux de croire qu’elle avait été légère et trompée, et que l’erreur et la faute de sa vie allaient être enterrées dans la tombe avec le malheureux entraîneur.

Le garde-portier de Felden Wood ne put retenir une exclamation en ouvrant la porte pour laisser entrer la fille de son maître. C’était un vieillard, et il avait ouvert cette même porte, plus de vingt ans auparavant, lorsque la fiancée du banquier était entrée, pour la première fois, dans la maison de son mari.

Floyd accueillit avec joie ses enfants. Comment eût-il pu n’être pas heureux en présence de son enfant chérie, que ses visites fussent rares ou fréquentes, ou son temps bien ou mal choisi ?

Mme Mellish conduisit son père dans son cabinet.

— Il faut que je te parle à toi seul, père, — dit-elle ; — mais John sait tout ce que j’ai à te dire. Il n’y a plus de secrets entre nous maintenant. Jamais, désormais, il n’y en aura.

C’était un récit pénible que celui qu’Aurora allait faire à son père, car elle avait à lui avouer qu’elle l’avait trompé lors de son retour à Felden, après sa séparation d’avec Conyers.

— Je t’ai menti, père, — dit-elle, — quand je t’ai dit que mon mari était mort. Mais le ciel m’est témoin que je croyais que ce mensonge me serait pardonné, car je pensais t’épargner ainsi une inquiétude, une douleur ; et sûrement tout ce qui devait amener ce résultat était excusable. Le bien ne peut sans doute jamais naître du mal, car j’ai sévè-