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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/167

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AURORA FLOYD

John haussa les épaules. Bien souvent déjà on lui avait adressé la même question, et toujours il avait été obligé de faire la même réponse.

— Non ; je ne vois autour de Mellish personne qui pût avoir de semblables raisons.

— Cet homme avait-il de l’argent sur lui ? — demanda Floyd.

— Qui peut savoir s’il en avait ou non ? — répondit John d’un ton indifférent ; — mais je suis porté à croire qu’il n’en avait pas beaucoup. Il avait été sans place, à ce que je crois du moins, longtemps avant de venir me trouver, et il avait passé plusieurs mois dans un hôpital prussien. Je ne suppose pas qu’il eût rien qui valût la peine qu’on le volât.

Le banquier se rappela les deux mille livres qu’il avait données à sa fille. Qu’avait fait Aurora de cet argent ? Connaissait-elle, lorsqu’elle le lui avait demandé, la situation de l’entraîneur ? et l’avait-elle demandé à son intention ? Elle n’avait point expliqué tout ceci dans le récit écourté qu’elle avait fait du meurtre ; et maintenant, pourrait-il revenir et la presser sur un aussi pénible sujet ? Pourquoi n’accepterait-il pas l’assurance qu’elle lui avait donnée que tout était fini, et qu’il n’avait plus à attendre que des jours de tranquillité ?

Floyd et ses enfants passèrent ensemble une journée paisible, sans parler beaucoup, car Aurora était complétement exténuée par la fatigue et les émotions qu’elle avait éprouvées. Sa vie n’avait-elle pas été une suite d’agitations et de terreurs continuelles depuis le jour où la lettre de Pastern était arrivée à Mellish pour lui faire connaître, à elle, que son premier mari vivait encore ? Elle avait dormi pendant presque toute la journée, étendue sur un sofa ; Mellish, assis à ses côtés, veillait sur elle. Elle avait dormi pendant que les cloches de l’église de Beckenham appelaient les fidèles paroissiens au service de l’après-midi ; pendant que son père assistait à ces offices, agenouillé sur la natte qui tapissait son vieux banc, et priait pour le bonheur de son enfant bien-aimée. Dieu sait avec quelle fer-