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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/168

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AURORA FLOYD

veur le vieillard priait pour sa fille, et combien celle-ci remplissait sa pensée ; sans se distraire de pensées plus saintes, il mêlait sans cesse dans son adoration, son image à ses prières et à ses actions de grâces. Ceux qui le virent ainsi, sa tête grise éclairée par un rayon de soleil, écoutant attentivement le sermon, ne savaient guère combien de tourments s’étaient mêlés dans sa vie à sa grande prospérité. Ils le montraient respectueusement aux étrangers, comme un homme dont la signature apposée sur un morceau de papier pouvait faire de ce chiffon une somme d’argent incalculable ; comme un homme qui avait atteint le pinacle doré des Rothschild, des Montefiores, et des Coutts ; qui pourrait solder la dette nationale le jour où la fantaisie lui en prendrait, et qui, malgré cela, n’était pas fier du tout, mais simple comme un enfant, ajoutaient les paroissiens ses admirateurs ; et, comme en effet chacun pouvait le voir, le banquier, en sortant de l’église, donnait des poignées de main à droite et à gauche, et adressait des signes de tête pleins de bienveillance aux enfants de charité.

Je crains bien que ces enfants ne témoignassent plus de respect à Floyd qu’au vicaire de Beckenham lui-même ; car ils avaient appris à confondre l’image du banquier avec les gâteaux et le thé, avec les pièces de six pence et les oranges, avec leurs gambades sur leurs pelouses moelleuses de Felden, avec des fêtes de toutes sortes sous d’immenses tentes, où des bandes de musiciens faisaient entendre des rythmes joyeux, et mieux encore avec certaines grandes réjouissances, telles, par exemple, que des excursions à certain Palais de cristal élevé sur une colline, véritable pays enchanté, d’où il était délicieux de revenir dans la brume du soir en chantant des hymnes de joie qui faisaient trembler les carrioles dans lesquelles on voyageait.

Le banquier avait répandu le bonheur de tous côtés ; mais l’argent qui aurait pu payer la dette nationale avait été impuissant à sauver la vie de la femme qu’il avait tendrement aimée, ou lui épargner de douloureuses inquiétudes au sujet de l’enfant qu’il idolâtrait. Cette richesse