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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/170

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AURORA FLOYD

John réfléchissait sérieusement à tout cela. Il ne pouvait oublier la soirée du meurtre, la soirée où il était demeuré seul dans la chambre de sa femme songeant à son indignité.

— Pensez-vous que nous méritions d’être heureux, Lolly ? — dit-il bientôt. — Ne vous méprenez pas sur le sens de mes paroles, chère enfant. Je sais que vous êtes la plus belle et la meilleure des créatures. Vous êtes aimante, bonne, généreuse et franche : mais pensez-vous, Lolly chérie, que nous prenions la vie assez sérieusement ? Je crains quelquefois que nous soyons comme ces enfants insouciants de l’allégorie enfantine, qui jouèrent parmi les fleurs du jardin magnifique, jusqu’à ce qu’il fût trop tard pour entreprendre sur la sombre route le voyage qui devait les conduire au paradis. Que ferons-nous, chère enfant, pour mériter les dons que Dieu nous a si libéralement accordés : la jeunesse, la santé, l’amour et la richesse ? Que ferons-nous, chère ? Ce n’est pas que je veuille positivement faire de Mellish un phalanstère, ni que je veuille me défaire de mes écuries, si je puis m’en dispenser, dit John d’un air rêveur ; mais je veux faire quelque chose, Lolly, pour prouver que je suis reconnaissant envers la Providence. Construirons-nous une demi-douzaine d’écoles, ou une église, ou des maisons de charité, ou quelque chose de semblable ? Lofthouse voudrait me voir mettre des vitraux de couleur dans l’église de Mellish, et une chaire nouvelle, avec un plafond acoustique breveté ; mais je ne vois guère le bien que produiraient de semblables innovations. Je veux faire quelque chose, Aurora, pour prouver ma reconnaissance à la Providence, qui m’a donné la plus charmante et la meilleure des femmes pour épouse bien-aimée.

La jeune femme eut pour son cher époux un sourire presque triste.

— Ai-je été un tel bienfait pour vous John, — dit-elle, — que vous en soyez reconnaissant ? Ne vous ai-je pas apporté plus de tristesse que de bonheur, cher ami ?

— Non, — s’écria Mellish avec feu, — le chagrin que vous m’avez apporté n’a rien été auprès de la joie que j’ai ressentie de votre amour. Ma très-chère enfant, me trouver