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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/171

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AURORA FLOYD

aujourd’hui assis à côté de vous et vous entendre dire que vous m’aimez, est un bonheur assez grand pour me faire oublier toute la peine que j’ai endurée depuis que cet homme, qui est mort maintenant, est venu à Mellish.

J’espère qu’on pardonnera à mon pauvre Mellish, s’il lui arriva de dire des absurdités à la femme qu’il aimait. Il l’avait aimée dès le premier moment où il l’avait vue à la Parade de Brighton ; et il l’aimait toujours. Pas une ombre de satiété ni de mésestime n’était née de son intimité avec elle, et je suis tenté de protester en passant contre ce vieux proverbe, ou du moins de penser que la satiété et le mépris ne viennent que de la constatation répétée, choses qui sont elles-mêmes viles et méprisables.

Floyd revint de l’église, et trouva ses deux enfants assis dans l’embrasure d’une des vastes fenêtres ; ils épiaient son retour en causant à voix basse comme des amoureux.

Ils dînèrent gaiement ensemble, et un peu après la tombée de la nuit le phaéton reparut au perron et Aurora embrassa son père en lui souhaitant une bonne nuit.

— Vous viendrez, assister au mariage, monsieur, — murmura John à l’oreille du vieillard, en lui prenant la main ; — Bulstrode arrangera tout. Cela aura lieu à quelque petite église de la Cité. Il n’en sera ni plus ni moins, et Aurora et moi nous retournerons à Mellish le plus tranquillement possible. Il n’y a que Lofthouse et Hayward qui sachent le secret du certificat et ils…

Mellish s’arrêta brusquement. Il se souvenait de l’allusion lancée par Mme Powell. Elle savait ce secret. Mais comment avait-elle pu l’apprendre ? Il était impossible que Lofthouse ou Hayward le lui eussent dit. Tous deux étaient hommes d’honneur, et ils s’étaient engagés à n’en point parler. Floyd ne remarqua pas l’embarras de son gendre, et le phaéton s’éloigna, laissant sur le perron le vieillard qui suivait sa fille des yeux.

— Il faudra que je parte d’ici, — pensa-t-il, — et que j’aille finir mes jours à Mellish. Je ne puis supporter ces séparations ; je ne puis endurer ces incertitudes. C’est une pitoyable plaisanterie que toute cette maison, tout ce luxe