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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/174

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AURORA FLOYD

— Dans le West End.

— S’il en est ainsi, vous n’avez rien de mieux à faire qu’à nous suivre, — répondit Mellish ; — la route est assez bonne, et votre cheval a l’air de bien marcher ; vous pourrez ne pas nous perdre de vue, sans doute !

— Oui, monsieur, merci.

— Eh bien, c’est cela.

Les pur-sang de Bulstrode partirent, mais le cheval efflanqué se maintenait derrière eux. Il avait quelque chose de l’assurance insolente d’un cheval de boucher habitué à traîner un maître sans chapeau et revêtu d’une blouse bleue, dans l’air vif du matin.

— Je ne me suis pas trompé, Lolly. — dit Mellish, quand il eut laissé en arrière le dog-cart.

— Comment l’entendez-vous, cher ? — demanda Aurora.

— L’homme qui vient de me parler est le même qui est venu me demander à Felden. C’est un homme du comté d’York.

— Du comté !

— Oui ; n’avez-vous pas remarqué cet accent particulier aux gens des comtés du Nord.

Elle n’avait pas écouté l’homme, elle ne l’avait pas remarqué. Pourquoi aurait-elle pensé à autre chose qu’à son bonheur nouveau, à la confiance nouvelle qui existait entre elle et le mari qu’elle aimait ?

Ne la croyez pas endurcie ou cruelle, si elle oubliait que c’était la mort d’un de ses semblables, d’un pécheur fauché à la fleur de l’âge dans toute sa force, qui lui avait procuré cette tranquillité bénie. Elle avait tant souffert qu’elle ne pouvait faire autrement que de bénir le calme, de quelque façon qu’il lui arrivât.

Sa nature franche et ouverte avait été liée, emprisonnée pour ainsi dire par le secret qui obscurcissait sa vie. Peut-on s’étonner dès lors qu’elle se réjouît maintenant que ce secret n’était plus et que cet esprit généreux pouvait s’épancher à volonté.

Il était plus de dix heures quand le phaéton tourna dans Halfmoon Street. Les gens du dog-cart avaient suivi à la