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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/185

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AURORA FLOYD

qu’il était résolu d’user de la plus grande prudence dont sa simple nature était capable.

— Je ne veux pas faire une seule question, — pensa-t-il ; — il y aura certainement une quantité de paltoquets qui viendront ici, tout à l’heure, et je les entendrai parler de l’affaire comme si cela ne me regardait pas. Ces gens du pays n’auraient rien à dire s’ils ne feuilletaient pas les livres de bord de leurs supérieurs.

Le Capitaine dormit profondément environ une heure, et fut réveillé à la fin de ce temps par le son de plusieurs voix qui parlaient dans la chambre et par la fumée du tabac. Le gaz étincelait dans la salle basse lorsqu’il ouvrit les yeux, et au premier instant il put à peine distinguer ceux qui occupaient la chambre, à cause de l’éclat aveuglant de la lumière.

— Je ne me lèverai pas, — pensa-t-il. — Je veux feindre d’être endormi pour un moment encore et attendre qu’ils arrivent à parler de l’affaire.

Il y avait seulement trois hommes dans la chambre. L’un était l’aubergiste que Prodder avait vu lire au comptoir, et les deux autres étaient des hommes à l’air râpé et n’ayant nullement, ni sur leurs personnes, ni dans leurs manières, aucun cachet respectable. L’un d’eux portait un habit de velours grossier avec de larges boutons de cuivre, des culottes, des bas bleus et des souliers couvrant le cou-de-pied. L’autre était un homme au visage pâle, ayant des favoris en côtelettes et recouvert d’un élégant habit râpé qui indiquait chez lui plutôt l’état d’un vagabond que celui d’un homme ayant une profession spéciale.

Ils parlaient de chevaux lorsque Prodder se réveilla, et le marin resta quelque temps à écouter un jargon qui, pour lui, était complètement inintelligible. Les hommes parlaient de l’écurie de lord Zetland, de celle de lord Glascow, du Saint-Léger et de la Grande Coupe, et ils offrirent de parier l’un contre l’autre et se disputèrent pour les prix sans s’accorder jamais, tout cela d’une manière qui effraya le pauvre Samuel ; mais il attendit patiemment, feignant d’être endormi, et nullement dérangé par ces hommes, qui ne daignaient même pas faire attention à lui.