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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/210

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AURORA FLOYD

Lucy passa le bras autour de la taille de sa cousine, et acquiesça à cet arrangement. Elle était peinée de voir le changement d’Aurora et la contrainte contre nature de ses manières.

Bulstrode s’en alla, en se félicitant d’avoir agi si sagement.

— Lucy est très-probablement plus à même que moi de découvrir ce qu’il y a, — pensa-t-il. — Il y a une espèce de franc-maçonnerie entre les femmes, une affinité électrique que la présence d’un homme détruit toujours. Comme Aurora paraît mortellement pâle ! Est-il possible que le chagrin que j’attendais soit venu si tôt.

Il alla aux écuries, moins pour chercher Mellish que dans l’espoir d’y trouver quelqu’un d’assez intelligent pour lui faire un récit plus exact du meurtre que ceux qu’il avait entendus jusque-là.

— Quelqu’un, aussi bien qu’Aurora, a avoir des raisons pour désirer se débarrasser de cet homme, — pensa-t-il. — Il ne manque pas de motifs : la vengeance, la cupidité, quelque chose qui n’a pas encore été découvert.

Il pénétra dans la cour ; mais il n’eut pas l’occasion de continuer longtemps ses recherches, car John était dans une attitude nonchalante devant une petite forge, surveillant le ferrage d’un de ses chevaux. Le jeune châtelain le regarda avec étonnement ; lorsqu’il reconnut Talbot, il lui donna sa main avec quelques mots de bienvenue qu’il étrangla. Bulstrode vit tout de suite qu’il y avait peut-être plus de changement dans l’apparence de John que dans celle d’Aurora. Ses yeux bleus avaient perdu leur éclat ; ses pas leur élasticité ; sa figure semblait défaillante et son regard hagard, et évidemment il évitait de rencontrer les yeux de Talbot. Il quitta la forge avec insouciance, marchant à côté de son hôte dans la direction des portes de l’écurie ; mais il avait l’air d’un homme qui ne sait pas où il va et qui ne se soucie pas de le savoir.

— Rentrons-nous à la maison ? — dit-il. — Vous devez avoir besoin de prendre quelque chose, après votre voyage.

Il regarda sa montre en disant cela. Il était trois heures