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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/219

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AURORA FLOYD

— Vous en déduisez que votre femme a pris le pistolet ?

John regarda son ami ; mais le sourire de Talbot le rassura.

— Personne n’avait la permission d’entrer dans la pièce, — répondit-il. — J’y garde mes papiers et mes comptes, comme vous le savez, et il était entendu que pas une servante n’aurait la permission d’y entrer, excepté pour la nettoyer.

— Certainement ; mais cette pièce n’est pas fermée à clef, je suppose.

— Fermée à clef, non sans doute !

— Et les fenêtres qui s’ouvrent sur la cour sont quelquefois restées ouvertes, je pense ?

— Presque toujours, par un temps pareil à celui-ci.

— Ainsi, mon cher John, il est possible que quelqu’un qui n’avait pas la permission d’entrer dans cette pièce l’ait fait cependant, dans l’intention de s’emparer du pistolet. Avez-vous demandé à Aurora pourquoi elle avait pris la peine de mettre vos armes en ordre ? Elle ne l’avait jamais fait auparavant, je pense ?

— Oh ! si, très-souvent. J’ai l’habitude de les laisser après les avoir nettoyées ; et ma chérie s’entend à tout cela autant que moi. Elle les avait souvent rangées pour moi.

— Donc il n’y a rien d’extraordinaire à ce qu’elle a fait le jour du meurtre. Lui avez-vous demandé combien de temps elle est restée dans votre chambre, et si elle peut se rappeler d’avoir eu le pistolet ?

— Lui demander ? — s’écria John. — Comment pouvais-je lui demander, lorsque…

— Lorsque vous avez été assez fou pour la soupçonner. Ah ! mon pauvre ami, vous avez commis la même erreur que j’ai commise à Felden. Vous avez admis la culpabilité de la femme que vous aimiez et vous avez été trop lâche pour chercher l’évidence sur laquelle vous bâtissiez vos soupçons. Si j’avais été assez sage, au lieu de questionner aveuglément cette pauvre fille effrayée, pour lui dire brutalement ce que j’ai soupçonné, la vérité incontestable aurait jailli de ses yeux irrités, et un démenti plein d’indigna-