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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/224

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AURORA FLOYD

Bulstrode descendit au salon, où il trouva son ami seul et ayant l’air malheureux.

— Ces dames dînent en haut, — dit Mellish, quand Talbot le rejoignit. — On vient de me le dire. Pourquoi me fuit-elle, Talbot ? Pourquoi ma femme m’évite-t-elle ainsi ? Nous nous sommes à peine parlé l’un à l’autre ces jours-ci.

— Voulez-vous que je vous dise pourquoi, mon pauvre John ? — répondit Bulstrode. — Votre femme vous évite parce que vous avez voulu vous séparer d’elle et parce qu’elle pense, la pauvre enfant, qu’elle a perdu votre affection. Elle s’imagine que la découverte de son premier mariage a changé vos sentiments, et que vous ne l’aimez plus.

— Ne plus l’aimer ! — dit John. — Ô mon Dieu ! elle devrait savoir que si je pouvais donner ma vie cinquante fois, je le ferais pour lui éviter une peine. Je voudrais le faire, aide-moi, ô ciel, quand même elle serait la misérable la plus coupable qui ait rampé sur la terre.

— Mais personne ne vous demande de faire de pareilles choses, — dit Bulstrode. — On ne vous demande que de rester tranquille et d’avoir de la patience, d’avoir confiance dans la Providence, et de vous laisser guider par des gens qui sont moins impétueux que vous.

— Je ferai tout ce que vous voudrez, Talbot ; je ferai tout ce que vous voudrez.

Mellish serra la main de son ami. Avait-il jamais songé lorsqu’il avait vu dans Talbot un fiancé, agréé à Felden, et qu’il l’avait détesté avec la fureur sauvage d’un Indien, qu’il en arriverait à être si humblement reconnaissant envers lui, si piteusement subordonné à sa sagesse supérieure ? il prit la main du jeune politique et promit d’être aussi soumis qu’un enfant.

En conséquence, d’après les ordres de Talbot, il mangea quelques morceaux de poisson et but quelques verres de xérès ; après avoir ainsi simulé une apparence de dîner, il sortit avec Bulstrode pour aller chercher Aurora.

Elle était assise avec sa cousine, dans sa chambre, ayant