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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/257

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AURORA FLOYD

maintenant qu’il était tout à fait assuré de l’innocence de sa femme, il n’avait plus de patience pour les campagnards stupides qui se tenaient à distance de la femme qu’il aimait. Il aurait voulu sortir et se battre pour sa femme outragée, et renvoyer toutes les injures à la face des gens qui avaient attaqué son Aurora idolâtrée. Comment osaient-ils, ces lâches calomniateurs, garder une mauvaise pensée contre la plus pure, la plus parfaite des femmes ? Naturellement Mellish oubliait complètement que lui, le défenseur légitime de toute cette perfection, avait souffert que son esprit fût obscurci par l’ombre de cet odieux soupçon.

Il haïssait ses anciens amis de jeunesse pour leur éloignement ; les domestiques de sa maison, pour l’expression à moitié soupçonneuse, à moitié solennelle de leur physionomie qu’il savait tenir à l’horrible soupçon qui semblait grandir à chaque heure. Il se mit dans une grande fureur contre son sommelier à cheveux gris qui l’avait porté sur son dos dans son enfance, parce que le fidèle domestique avait essayé de supprimer certains journaux contenant de sombres allusions au mystère de Mellish.

— Qui vous a dit que je ne désirais pas lire le Manchester Guardian, Jarvis ? — dit-il furieux. — Qui vous a donné le droit de me dicter ce que j’ai à lire ou ce que je ne dois pas lire ? J’ai besoin du Guardian d’aujourd’hui ! d’aujourd’hui et d’hier, et de demain, et de tous les autres journaux qui entrent dans la maison. Je ne veux pas qu’ils soient inspectés par vous, ni par qui que ce soit, pour voir s’ils sont convenables ou non, avant qu’ils me soient apportés. Croyez-vous que je m’effraye par ce que ces barbouilleurs à un penny la ligne peuvent écrire ? — hurla le jeune squire frappant sur la table devant laquelle il était assis. — Laissez-les écrire ce qu’ils voudront sur mon compte. Mais qu’ils écrivent un mot qui puisse être tourné en insinuation sur la plus pure et la plus fidèle femme de la chrétienté, et par le Seigneur qui est au-dessus de moi, je donnerai une volée telle à ces barbouilleurs, imprimeurs, éditeurs, et à chaque homme de leur espèce, qu’ils s’en rappelleront jusqu’au dernier jour de leur vie.