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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/258

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AURORA FLOYD

Mellish disait tout cela malgré la présence de Bulstrode. Le jeune député de Penruthy ne passa d’aucune manière un temps agréable pendant ces quelques jours d’anxiété et d’incertitude. Un gardien placé pour veiller sur le cœur d’un jeune tigre des jungles, et pour empêcher le noble animal de commettre aucune imprudence, aurait à peine pu trouver son œuvre plus dure que celle que Bulstrode faisait, patiemment et sans se plaindre, par pure amitié.

Mellish errait, sous la garde de ce surveillant amical, avec ses cheveux châtains fiévreusement désordonnés, comme un champ d’épis mûrs qui a été battu par un ouragan d’été, ses joues pendantes et pâlies, et des poils jaunes comme le chaume au menton. Je suis sûr qu’il avait fait le vœu de ne se raser, ni de se faire raser, jusqu’à ce que le meurtrier de Conyers eût été trouvé. Il se tournait avec désespoir vers Talbot, mais avec un empressement plus sauvage encore vers l’agent, le chasseur professionnel qui l’avait, d’une manière tacite, mis sur la voie du véritable meurtrier.

Pendant tout le cours de ce jour d’août si agité, encore chaud et cependant couvert de nuages pluvieux, le maître de Mellish Park allait çà et là, tantôt s’asseyant dans son cabinet, tantôt errant sur la pelouse ; puis parcourant le salon de long en large, déplaçant, dérangeant, retournant les jolis meubles ; montant et descendant l’escalier, s’étendant sur le perron, et parcourant le corridor en dehors des chambres dans lesquelles Lucy et Aurora étaient assises ensemble, ayant l’air de s’occuper, mais seulement attendant, attendant, attendant toujours la fin qu’il désirait.

Le pauvre John se souciait à peine de rencontrer sa chère et bien-aimée femme ; car ses grands yeux sérieux lui demandaient toujours la même chose ouvertement, et réclamaient toujours une réponse qu’il ne pouvait donner.

C’était un temps triste et fatigant. Je me demande en écrivant ceci, et en songeant à une tranquille habitation du comté de Somerset dans laquelle une terrible action a eu lieu, dont le secret n’a jamais été révélé, et qui peut-