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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/260

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AURORA FLOYD

m’en aller et pour éloigner celle qui m’est chère des misérables qui l’ont insultée.

— C’est ce que vous ne ferez pas, John, — s’écria Talbot, — jusqu’à ce que le meurtrier de Conyers soit découvert. Alors allez-vous-en aussitôt qu’il vous plaira, car la vue de cette maison ne peut que vous être désagréable au moins pour un certain temps. Mais jusqu’à ce que la vérité soit connue, vous devez y rester. S’il y a quelque soupçon contre Aurora, sa présence ici démentira mieux ce soupçon. C’est son voyage précipité à Londres qui a d’abord fait parler sur son compte, — ajouta Bulstrode qui naturellement ignorait complètement qu’une lettre anonyme de Mme Powell avait d’abord éveillé les soupçons de la constablerie de Doncastre.

Ainsi, pendant ce long jour d’été, Talbot raisonnait et réconfortait son ami, sans jamais se fatiguer de sa tache, sans jamais perdre un moment de vue les intérêts d’Aurora et ceux de son mari.

Peut-être était-ce une punition qu’il s’était imposée pour l’injure qu’il avait faite à la fille du banquier, autrefois, dans la chambre de Felden. S’il en était ainsi, il faisait pénitence de gaieté de cœur.

— Le ciel sait combien je serais charmé de lui rendre service, — pensait-il ; — sa vie n’a été qu’un chagrin, malgré la fortune de son père. Je remercie le ciel que ma pauvre petite Lucy n’ait jamais été l’héroïne d’une tragédie comme celle-ci. Je remercie le ciel que ma pauvre petite existence coule égale et placide dans un canal tranquille.

Il ne pouvait penser sans frissonner que l’histoire colportée à travers le West Riding aurait pu être l’histoire de sa femme. Il ne pouvait que se réjouir en pensant que le nom de la femme qu’il avait choisie n’était jamais sorti du seuil de sa propre maison pour être le sujet de l’entretien des étrangers.

Il y a des choses complètement insupportables pour certaines gens, mais qui, aux yeux d’autres, ne sont nullement terribles. Mellish, calme dans sa croyance en l’innocence de sa femme, aurait voulu l’emmener avec lui, après