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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/272

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AURORA FLOYD

l’idiot ; pourtant il comprit qu’il y avait un soudain craquement de verre derrière lui, un rapide bruit de pas et une voix étrange hurlant quelques jurons marins au-dessus de sa tête. La pression suffocante de sa gorge cessa tout à coup : quelqu’un ou quelque chose fut précipité dans un coin de la petite chambre ; et Bulstrode sauta sur ses pieds un peu troublé et effaré, mais prêt à se battre de nouveau.

— Qui est là ? — cria-t-il.

— C’est moi, Samuel Prodder, — répondit la voix qui avait proféré un affreux jurement de marin. — Vous étiez joliment près d’en finir, camarade, quand je suis arrivé. Ce n’est pas la première fois que je suis venu ici dans l’obscurité, en me promenant tranquillement et en fumant une pipe avant de rentrer.

Prodder indiquait Doncastre par un signe en arrière de son pouce.

— Je surveillais la lumière à distance ; je m’approchai subitement, il y a cinq minutes, et je vis tout près de quoi il s’agissait. Je ne sais pas qui vous êtes ou ce que vous êtes, ni pourquoi vous vous battiez ; mais je sais que vous étiez aussi près de votre mort que ce garçon l’a été dans le bois.

— Le gilet !… — s’écria Bulstrode, — montrez-moi le gilet !…

Il sauta encore une fois sur l’idiot qui s’était précipité vers la porte et essayait d’enlever le panneau avec ses entraves de fer ; mais cette fois Bulstrode avait un allié dans le Capitaine Prodder.

— Un peu de corde dans ces cas-là devient très-utile, — dit Prodder, — et pour cette raison je me suis toujours fait une nécessité d’en porter partout avec moi.

Il plongea son avant-bras dans une des vastes poches de son paletot, et en sortit un rouleau de cordes goudronnées. Ainsi qu’il aurait pu attacher un marin à un mât au dernier moment d’un naufrage, de même il attacha Hargraves, le liant à droite et à gauche, jusqu’à ce que les bras et les pieds se débattant et le tronc se tordant fussent obligés de rester tranquilles.