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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/56

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AURORA FLOYD

pour la trois centième fois le récit des chasses au tigre et au sanglier. Peut-être n’eût-elle jamais pu y parvenir, si Mme Powell n’avait pas, après un petit « hem ! » préparatoire, fait une observation à propos du soleil couchant.

La veuve de l’enseigne était une de ces femmes qui assurent qu’il y a une différence dans la longueur des journées entre le 23 et le 24 juin, qui continuent à faire la même observation jusqu’à l’arrivée du 21 décembre, et qui croient alors le moment venu de renverser les termes de leur proposition. Ce fut une remarque de ce genre qui fit sortir Mme Mellish de sa rêverie, et qui la fit se lever brusquement de table, oubliant le sourire de convention qu’elle devait à ses invités.

— Plus de huit heures ! — dit-elle ; — non, assurément, il n’est pas si tard.

— Mais oui, Lolly, — répondit Mellish en consultant sa montre, huit heures un quart.

— Vraiment je vous demande pardon, madame Lofthouse ; allons-nous passer au salon ?

— Oui, chère, oui, — répondit la femme du clergyman, — nous pourrons causer ensemble. Papa va boire trop de claret s’il raconte la chasse au tigre, — ajouta-t-elle confidentiellement et à voix basse. Priez votre cher mari de ne pas lui en verser trop souvent, ou il est sûr de souffrir demain de son foie et il dira que c’était à Lofthouse de le retenir, il dit toujours que c’est la faute de ce pauvre Réginald.

John jetait sur sa femme un regard inquiet. Comme il tenait la porte avec une main pendant que les trois dames traversaient le vestibule, il se mordit les lèvres en voyant la désagréable et sèche figure de Mme Powell qui effleurait presque l’épaule d’Aurora.

— Je crois cependant avoir parlé assez clairement ce matin, — pensa-t-il en fermant la porte et retournant auprès de ses amis.

Huit heures un quart, huit heures vingt minutes, huit heures vingt-cinq minutes passèrent. Mme Lofthouse était une assez forte pianiste, et jamais elle ne se sentait plus