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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/61

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AURORA FLOYD

Le cocher fit un signe, fouetta son vieux poney gris et se dirigea vers la grille du parc. Prodder suivait lentement et assez délibérément le chemin qu’il avait à parcourir. Le parc lui était étranger ; mais en venant, il avait admiré les éclaircies du bois laissant voir de verdoyants amphithéâtres plantés de chênes magnifiques dont les branches dessinaient de grandes ombres sur l’herbe, encore éclairée par ; les rayons du soleil couchant. Il avait contemplé avec l’étonnement du marin ces beautés du tranquille domaine, et s’était demandé s’il ne serait pas agréable pour un vieux loup de mer de finir ses jours au milieu de ce calme monotone des bois, loin du bruit de la tempête et de la voix terrible de l’Océan ; et dans son désappointement de ne pas voir Aurora, le Capitaine éprouvait une espèce de consolation à fouler l’herbe humide en se dirigeant du côté où, avec son instinct de marin, il savait que le tourniquet devait être situé.

Peut-être avait-il l’espoir de rencontrer sa nièce dans le parc. Le valet lui avait dit qu’elle n’était pas sortie, mais il n’était guère probable qu’elle quittât ses invités. Très-probablement elle se promenait dans le parc avec un ou plusieurs d’entre eux.

Les ombres des arbres s’épaississaient à mesure que Prodder approchait du bois. Mais on était à cette époque de l’année où il n’y a guère qu’une heure ou deux sur les vingt-quatre qui soient parfaitement noires ; et, bien que l’horloge du village sonnât neuf heures et demie quand le marin pénétra dans le bois, il put distinguer la silhouette de deux personnes qui s’avançaient de son côté de l’autre extrémité de la longue allée.

C’était la silhouette d’un homme et celle d’une femme ; la femme portait une robe de couleur claire qui se détachait dans l’ombre ; l’homme s’appuyait sur une canne et boitait d’une manière très-évidente.

— Est-ce ma nièce et un de ses invités ? — pensa le Capitaine ; — cela se peut. Je vais me ranger et les laisser passer.

Prodder se rangea sous les arbres à gauche de l’allée