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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/93

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AURORA FLOYD

Ses yeux s’illuminèrent, pendant qu’elle le regardait, d’un reflet d’intelligence qui disait clairement : « Je devine ce qui est arrivé. »

— Cet homme a été très-sérieusement blessé, Lolly, — répondit tranquillement son mari.

— Quel homme ?

— Le garçon que m’a recommandé Pastern.

Elle tint pendant quelques moments son regard fixé sur lui sans prononcer une parole.

— Il est mort ? — dit-elle après une courte pause.

— Oui.

Sa tête retomba sur sa poitrine, et elle alla lentement reprendre sa place sur le canapé qu’elle avait quitté.

— Je suis bien désolée pour lui, — dit-elle ; — mais ce n’était pas un bien excellent homme. Je suis désolée qu’il n’ait pas eu le temps de se repentir de ses fautes.

— Vous le connaissiez donc ? — demanda Mme Lofthouse, qui était tombée dans une consternation indicible, à la nouvelle de la mort de l’entraîneur.

— Oui, il avait été au service de mon père, il y a quelques années.

La voiture de Lofthouse attendait depuis onze heures, et la femme du recteur ne fut que trop enchantée de souhaiter le bonsoir à ses amis, et de s’éloigner au plus vite de Mellish Park et de ces sinistres événements. Bien que le Colonel eût préféré rester pour fumer encore un cigare, tout en devisant de l’affaire avec Mellish, il dut se soumettre à l’autorité de sa femme, et prendre place à côté de sa fille dans le confortable landau, qui formait une voiture ouverte ou fermée, selon la convenance du maître. La voiture une fois partie, les domestiques fermèrent les portes du vestibule, et continuèrent à causer ensemble à voix basse, dans les corridors et les escaliers, jusqu’à ce qu’il plût à leurs maître et maîtresse de se retirer pour la nuit. Il était difficile de croire que les choses ordinaires de la vie devaient se passer comme de coutume, le jour où un meurtre venait d’être commis dans le Park, et la gouvernante elle-même, si sévère en tout temps, cédait à l’influence commune, et