Aller au contenu

Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
91
AURORA FLOYD

Mme Powell levait les épaules.

— Je pensais qu’ayant connu autrefois ce malheureux jeune homme, Mme Mellish aurait pu jeter quelque lumière sur ses habitudes et ses fréquentations, — ajouta-t-elle d’un ton mielleux.

— Ayant connu !… — répéta John ; — quels rapports voulez-vous que Mme Mellish ait eus avec les domestiques de son père ? Quel intérêt pouvait-elle prendre à leurs habitudes ou à leurs fréquentations ?

— Arrêtez, — dit Aurora, en posant légèrement sa main sur l’épaule de son mari. — Mon impétueux John, pourquoi donc vous emportez-vous ainsi ? S’il leur plaît de m’appeler comme témoin, je dirai ce que je sais au sujet de la mort de cet homme ; j’ai entendu une détonation pendant que j’étais dans le parc, voilà tout.

Elle était fort pâle, mais elle parlait avec une calme détermination, avec une froide résolution qui défiait la pire destinée qui pût lui être réservée.

— Je dirai tout ce qu’il sera nécessaire de dire, — reprit-elle ; — peu m’importe le reste.

Sans retirer sa main de l’épaule de son mari, elle appuya sa tête sur sa poitrine, comme l’enfant qui se cache dans son refuge le plus sûr.

Mme Powell se leva, puis se dirigea vers la porte, et, en choisissant son chandelier, elle se retourna sur le seuil pour souhaiter une bonne nuit à M. et à Mme Mellish,

— Je suis sûre que vous avez besoin de repos après cette terrible affaire, — dit-elle ; — aussi, vous voyez, je prends l’initiative. Il est près d’une heure. Bonne nuit.

Si elle eût vécu dans la famille du Thane de Cawdor, elle eût souhaité une bonne nuit à Macbeth et à sa femme après le meurtre de Duncan, et elle eût espéré qu’ils dormiraient bien ; elle aurait souri courtoisement au milieu du branle-bas des cloches d’alarme, des sabres vengeurs, et des visages maculés de sang des soldats ivres. Telle dut être la suivante de la reine d’Écosse, qui, avec le médecin soumis, épiait et espionnait les divagations de sa maîtresse, rongée par le remords, et répétait ce que l’infortunée lady