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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/97

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AURORA FLOYD

malédiction effroyable s’est attachée à moi. C’est la colère du ciel, John, la colère du ciel qui me punit de mon entêtement. Penser que cet homme a été envoyé ici, et qu’il…

Elle tremblait de tous ses membres et se cramponnait à la fidèle poitrine qui l’abritait.

John la conduisit à son cabinet de toilette, et la confia aux soins de sa femme de chambre.

— Votre maîtresse a été très-agitée ce soir par tout ce qui s’est passé, — dit-il à la jeune fille ; — veillez à ce qu’elle reste dans le plus grand calme possible.

La chambre à coucher de Mme Mellish, pièce confortable et spacieuse, au plafond bas et aux fenêtres profondes et cintrées, communiquait avec une sorte de boudoir où John avait l’habitude de lire les journaux et les divers écrits périodiques traitant particulièrement de sport, tandis que sa femme écrivait des lettres, prenait au crayon des croquis de chiens et de chevaux, ou bien encore jouait avec son favori Bow-wow. Ils avaient passé d’heureux instants dans cette petite chambre tendue de perse ; et en y entrant ce soir le cœur désolé, Mellish sentait plus amèrement ses peines au souvenir des heureux jours passés. La lampe posée sur le bureau couvert en maroquin éclairait doucement les cadres des tableaux et caressait les jolies peintures modernes à sujets simples et bourgeois qui ornaient les murs d’un gris sombre. Cette aile de la vieille maison avait été remeublée pour Aurora, et il n’y avait pas dans la chambre une table ou un fauteuil qui n’eût été choisi par John dans le but d’assurer le confort et le plaisir de sa femme. Le tapissier avait trouvé en lui un client généreux et le sculpteur un noble patron. Il s’était promené dans les galeries de peinture avec un catalogue et un crayon à là main, choisissant les plus jolis tableaux pour l’embellissement de la chambre d’Aurora. Une dame en habit de cheval écarlate et coiffée d’un feutre à trois cornes, un poney blanc et un couple de lévriers ; un petit bout de terrasse et de gazon, un parterre de fleurs et une fontaine, formaient dans l’idée du bon John un très-joli tableau, et il avait une demi-douzaine de variations de sujets analogues dans son vaste