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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

bre de jeunes ladies furent importées d’Angleterre par des pères et des mères pleins d’anxiété, dans le but réel de captiver l’opulent banquier.

Mais quoique les cheveux blonds de Griselda descendissent jusqu’à sa ceinture en belles boucles luisantes qui brillaient comme de l’or fondu, quoique les yeux noirs d’Amanda eussent l’éclat des étoiles par une nuit d’été, quoique l’élégante Georgina fût plus gracieuse que Diane, la douce Lavinia plus belle que Vénus, Dunbar se trouva parmi elles sans plaisir et les quitta sans regret.

Les charmes de toutes ces jeunes filles, réunis dans la personne d’une femme parfaite, n’auraient pas ensorcelé le banquier. Son cœur était mort. Il avait donné toute la passion dont sa nature était capable à la seule femme qui avait eu le pouvoir de le charmer.

Chercher à se faire aimer de lui était à peu près aussi inutile que de demander l’aumône à quelqu’un dont la bourse était vide.

Les jeunes et brillantes beautés anglaises ne tardèrent pas à s’en apercevoir, et se consacrèrent à d’autres spéculations matrimoniales.

Dunbar envoya sa petite fille, son unique enfant, en Angleterre. Il se sépara d’elle, non pas par indifférence, mais plutôt à cause de son idolâtrie pour elle. Ce fut le seul acte désintéressé de sa vie, et encore l’égoïsme en fut-il la cause.

— Cela me serait bien agréable de la garder ici, — se dit-il, — mais si le climat allait me la tuer, si la perdais comme j’ai perdu sa mère ! Je vais l’éloigner de moi maintenant, pour qu’elle soit ma consolation plus tard, quand je retournerai en Angleterre après la mort de mon père.

Dunbar avait juré, en quittant la maison de banque de Saint-Gundolph Lane, après la découverte du faux, qu’il ne reverrait plus jamais son père, et il tint parole.