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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

dernier commis dans la maison de banque de Calcutta.

Ce fut une terrible mortification pour l’orgueilleux jeune homme.

Les trois hommes réunis dans le paisible bureau sur le derrière de la banque, par cette brûlante soirée d’août, causaient entre eux de cette vieille histoire.

— Je n’ai jamais vu Henry Dunbar, — dit Balderby ; car, ainsi que vous le savez, Wilmot, je n’entrai dans la maison que dix ans après son départ pour l’Inde ; mais j’ai entendu faire allusion à cette histoire parmi les commis à l’époque où j’étais commis moi-même.

— Je ne suppose pas, monsieur, que vous l’ayez entendu raconter telle qu’elle se passa, — répondit Wilmot, tenant dans ses mains tremblantes une vieille tabatière en corne et un mouchoir en coton rouge ; — et je ne crois pas que personne, excepté moi, sache la vérité. Je m’en souviens aussi bien que si cela était arrivé hier ; que dis-je ? mieux même que de bien des choses qui se sont réellement passées hier.

— Contez-nous donc cela, Sampson, — dit Balderby ; — puisque Henry Dunbar est attendu ici dans quelques jours, il vaut autant que nous sachions ce qu’il y a de vrai dans cette histoire. Nous pourrons savoir ainsi quelle espèce d’homme est notre nouveau chef.

— Oh ! certainement, monsieur, certainement, — reprit le vieux commis. — Il y a trente-cinq ans, oui, trente-cinq ans ce mois-ci, que tout cela eut lieu. Si je n’avais pas de raisons personnelles pour me rappeler cette date, il y aurait un autre motif qui m’en ferait souvenir ; car c’était l’année de Waterloo, époque de grandes ruines et de grandes fortunes dans la Cité. C’était en 1815, monsieur, et notre maison avait fait merveille sur la place. M. Henry était alors un très-beau jeune homme, très-beau, très-aristocratique, un