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HENRY DUNBAR

d’enthousiasme pour sa belle cliente. Pourquoi chercherais-je à faire un mystère des sentiments de ce gentleman ? Il l’aimait. Il aimait cette jeune fille qui, par la fortune de son père, était aussi éloignée de lui que si elle eût été une duchesse. Il payait bien cher chaque heure de bonheur, chaque jour de joie simple et innocente qu’il passait à Maudesley, car il aimait Laura, et il craignait que son amour fût sans espoir.

En tout cas, il était sans espoir pour le moment, car bien qu’il fût beau, instruit, bien doué, honorable, et gentleman dans le sens le plus noble de ce noble mot, il n’était pas le mari qu’il fallait à la fille de Henry Dunbar. Il était fils unique et héritier futur d’une assez jolie petite fortune, mais il savait que le millionnaire lui rirait au nez s’il osait lui demander la main de Laura.

Et dans l’avenir, y avait-il quelque espoir ?… C’était là la question qu’il s’adressait sans cesse à lui-même.

Il était fier et ambitieux. Il se savait habile ; quoique modeste, il ne pouvait ignorer son talent. Un emploi dans le gouvernement de l’Inde lui avait été offert par l’intermédiaire d’un gentilhomme, ami de son père. Cet emploi procurait la chance d’une belle carrière à un homme qui saurait profiter de l’occasion unique que la médiocrité néglige, mais que le génie saisit pour en faire le marchepied de la grandeur.

Le gentilhomme qui avait offert cet emploi à Arthur lui avait écrit pour lui dire qu’il n’était pas nécessaire de se décider immédiatement. Si Arthur acceptait l’emploi, il ne quitterait l’Angleterre qu’au bout d’un an, parce que le poste ne serait vacant qu’à cette époque.

« En attendant, écrivait lord Herriston à l’avoué, votre fils peut réfléchir, mon cher Lovell, et ne se décider qu’après mûre délibération. »

Arthur Lovell s’était déjà décidé.