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HENRY DUNBAR

fortement l’air de leur parfum presque trop fort.

Elle se leva à la vue d’Arthur et ressembla plus que jamais à un lis, dans sa toilette du matin qui consistait en un peignoir de mousseline demi-diaphane brodé de riches dentelles. Son épaisse chevelure brune était enroulée en diadème au-dessus de son front large et blanc et la grandissait de quelques pouces. Elle lui tendit une petite main dont les doigts blancs étaient chargés de bagues qui scintillaient au soleil.

— Je suis bien contente de vous voir, monsieur Lovell, — dit-elle. — Dora et moi nous sommes bien ennuyées, n’est-ce pas, Dora ? Londres est triste comme un désert. J’ai fait hier une promenade en voiture, mais l’avenue des dames était aussi solitaire que le Grand-Sahara. Il y a un grand nombre de théâtres ouverts, et l’on donnait hier soir un concert dans l’une des salles d’opéra ; mais cette méchante Élisabeth n’a pas voulu me laisser aller prendre ma part de ces distractions. Grand-papa, s’il vivait, m’y aurait conduite. Ce cher grand-papa, il allait partout avec moi.

Mme Madden secoua la tête d’un air solennel.

— Votre grand-papa serait allé avec vous jusqu’au bout du monde, mademoiselle, si vous lui aviez seulement fait signe du doigt. Votre grand-papa vous gâtait. C’eût été joli que votre père, à son retour de l’Inde, vous eût trouvée, vous sa fille unique, paradant au théâtre.

Mlle Dunbar regarda sa vieille nourrice avec un sourire malicieux. Elle était très-jolie quand elle souriait et très-jolie encore quand elle fronçait le sourcil. Elle l’était en tout temps, au dire d’Arthur.

— Mais je n’aurais pas paradé, ma chère vieille Madden, — s’écria-t-elle avec un éclat de rire argentin, — je me serais tranquillement assise dans une loge particulière avec ma chère vieille nourrice qui voit tout en mal et qui aurait été là pour me surveiller. Et puis