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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

qui ne lui était pas familière, car sa nature était aussi gaie que celle d’un oiseau qui fait retentir l’air de ses chants.

Arthur se rapprocha de la pensive jeune fille.

— Laura, — dit-il, — pourquoi êtes-vous silencieuse ? Je ne vous ai jamais vue si sérieuse, excepté à l’époque de la mort de votre grand-père.

— Je songe à mon père, — répondit-elle d’une voix tremblante qu’entrecoupaient ses larmes, — je songe que peut-être il ne m’aimera pas.

— Ne pas vous aimer, Laura ? qui peut s’empêcher de vous aimer ? Oh ! si j’osais, si je pouvais me hasarder ! Mais il faut que je parle, Laura, ma vie entière dépend du résultat, et je parlerai. Je ne suis pas pauvre, Laura, mais vous êtes tellement séparée du reste du monde par la fortune de votre père que je n’ai pas osé parler. J’ai eu peur de vous dire ce que vous auriez découvert vous-même si vous n’étiez pas aussi innocente que vos colombes de Maudesley.

La jeune fille le regarda avec des yeux étonnés encore humides des larmes qu’elle n’avait pas versées.

— Je vous aime, Laura, je vous aime. Le monde dirait que je ne suis pas en ce moment votre égal comme position, mais je suis homme et j’ai l’ambition, l’énergique volonté d’un homme fort. Tout est possible à celui qui a juré de vaincre ; et pour vous, Laura, pour votre amour, je surmonterais des obstacles invincibles pour tout autre. Je vais dans l’Inde, Laura, je vais y faire mon chemin vers la gloire et la fortune, car la gloire et la fortune sont des esclaves qui répondent à l’appel de l’homme brave et qui ne commandent qu’autant que ceux qui les appellent sont des cœurs faibles. Rappelez-vous, ma bien-aimée, que cette fortune qui se dresse maintenant entre vous et moi, peut ne pas être toujours à vous ; votre père n’est pas vieux, il peut