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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

mes habitudes ont été sédentaires pendant ces dernières années ; la chaleur du jour et la fatigue de la marche me firent réfléchir que je n’en aurais pas la force. J’envoyai Joseph aux Fougères, avec un message pour Mme Marston, à qui je demandais l’heure à laquelle je pourrais me présenter chez elle aujourd’hui, et je suis revenu à la cathédrale. Joseph, après s’être acquitté de sa commission, devait venir m’y reprendre.

— Il devait revenir à la cathédrale ?

— Oui.

— Mais pourquoi ne serait-il pas revenu à l’Hôtel George ?… pourquoi l’attendre à la cathédrale ?

Arthur écoutait avec une étrange expression sur la physionomie. Si Dunbar était pâle, le conseiller légal de Dunbar l’était plus encore. Les jurés regardaient le coroner avec stupéfaction, comme s’ils eussent été effrayés de son impertinence à l’égard du chef de la grande maison de banque Dunbar, Dunbar et Balderby. Comment osait-il ce coroner, dont le revenu était, au plus, de cinq cents livres par an, comment osait-il discuter ou trouver invraisemblable une assertion de Dunbar ?

L’Anglo-Indien sourit d’un air légèrement dédaigneux. Il était debout, dans une attitude nonchalante, jouant avec les breloques de sa chaîne de montre, et le soleil brûlant du mois d’août, qui pénétrait par une fenêtre sans rideaux en face de lui, éclairait en plein sa figure. Mais il n’essayait pas de se soustraire à ce flot de lumière qui l’aveuglait. Il faisait face au soleil, face au coroner, face aux jurés, et il affrontait le regard scrutateur de Lovell. Impassible, insouciant, et gracieux comme s’il eût été dans une salle de bal, il était le héros du moment, qu’admiraient tous ceux qui le regardaient, et il racontait devant le coroner et les jurés l’histoire bizarre de la mort de son ancien valet.