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HENRY DUNBAR

Dunbar jeta un regard furtif vers Balderby. Les paupières du plus jeune associé s’abaissèrent sous ce regard.

Il était clair qu’il connaissait l’histoire des faux billets.

Si le coroner de Winchester eût été un homme habile, il eût suivi ce regard de Dunbar et compris que le plus jeune associé savait quelque chose sur les antécédents du mort. Mais le coroner n’était pas un observateur très-fin, et le regard inquiet de Dunbar lui échappa.

— Oui, — répondit l’Anglo-Indien, — Wilmot me gardait rancune avant mon départ pour Calcutta, mais nous avions réglé cette affaire à Southampton, et je lui avais promis une rente annuelle.

— Vous lui aviez promis une rente annuelle ?

— Oui… pas très-forte… seulement cinquante livres par an, et il avait été très-satisfait de cette promesse.

— Il avait donc des droits sur vous ?

— Il n’avait aucun droit, — répondit Dunbar avec hauteur.

Évidemment cela ne pouvait plaire à un millionnaire d’être questionné ainsi par un impertinent coroner de province.

Les jurés sympathisèrent avec le banquier.

Le coroner eut l’air embarrassé.

— Si le décédé n’avait aucun droit sur vous, pourquoi lui aviez-vous promis une rente ? — demanda-t-il après une pause.

— Je la lui avais promise à cause des souvenirs du vieux temps, — répondit Dunbar. — Wilmot était mon valet favori il y a trente-cinq ans ; nous étions jeunes tous les deux ; je crois qu’il avait à cette époque une affection très-sincère pour moi : moi, je sais que je l’avais toujours aimé.