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HENRY DUNBAR

Ce gentleman avait les yeux fixés droit devant lui et semblait n’avoir pas conscience du regard du bedeau.

— Je ne saurais dire au juste combien de temps s’est écoulé, monsieur, — répondit le vieillard après une pause.

— Pourquoi ne sauriez-vous le dire au juste ?

— Parce que, voyez-vous, monsieur, je ne me préoccupe pas beaucoup des heures et je ne voudrais pas dire un mensonge.

— Il ne faut pas que vous disiez de mensonge, Nous ne voulons que la vérité, rien que la vérité.

— Je le sais, monsieur ; mais je me fais vieux et ma mémoire n’est pas aussi bonne qu’elle l’était jadis. Je crois que M. Dunbar est resté absent une heure.

Lovell tressaillit involontairement. Les regards de tous les jurés se portèrent aussitôt vers Dunbar. Mais l’Anglo-Indien ne faillit pas. Il fixait en ce moment sur le bedeau un regard calme et ferme qui semblait celui d’un homme n’ayant rien à craindre et que rien ne pouvait troubler parce qu’il se sentait innocent.

— Nous ne voulons pas savoir ce que vous croyez, — dit le coroner, — n’avancez que ce dont vous êtes sûr.

— Alors je n’en suis pas sûr, monsieur.

— Vous n’êtes pas sûr que M. Dunbar se soit absenté une heure ?

— Pas tout à fait sûr, monsieur.

— Mais à peu de chose près, est-ce cela ?

— Oui, monsieur, j’en suis presque sûr, parce que, voyez-vous, monsieur, quand les deux gentlemen sont entrés dans la cour, l’horloge de la cathédrale sonnait quatre heures un quart, je m’en souviens, et quand M. Dunbar est revenu j’allais partir pour prendre mon thé, et il m’arrive rarement d’aller prendre mon thé tant que cinq heures n’ont pas sonné.