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HENRY DUNBAR

Ils étaient des moissonneurs irlandais et revenaient la soirée précédente d’un souper de moisson à une ferme située à cinq milles de Sainte-Cross. L’un d’eux s’était agenouillé sur le bord du ruisseau pour puiser de l’eau dans son chapeau de feutre, et il avait vu avec épouvante la figure du mort qui le regardait aux rayons de la lune à travers l’eau à peine assez profonde pour le recouvrir. Les deux hommes avaient retiré le cadavre du ruisseau et Murtock avait fait sentinelle pendant que Hennessy était allé chercher du secours.

Les habits du mort avaient été enlevés à l’exception du pantalon et des bottes et son buste était nu. Il y avait dans ce fait une brutalité révoltante. Il semblait que l’assassin avait dépouillé sa victime à cause de la valeur des habits qu’elle portait. Il n’y avait donc pas à douter que l’assassinat eût été commis dans un but de cupidité et non par vengeance.

Lovell respira plus librement. Jusqu’à ce moment un doute affreux l’avait torturé. Le soupçon s’était enraciné dans son esprit. Il avait été poursuivi par l’idée que l’Anglo-Indien avait tué son ancien serviteur pour faire disparaître le principal témoin du crime de sa jeunesse.

Mais s’il en eût été ainsi l’assassin ne se fût pas arrêté sur le théâtre du crime pour dépouiller de ses habits le cadavre de sa victime.

Non ! le crime avait été commis sans doute par quelque misérable perdu, ignorant, sauvage et endurci par une longue existence criminelle, et qui traquait ses semblables en vraie bête fauve.

De pareils faits arrivent en ce monde. Le sang a été versé parfois pour des bagatelles de si peu de valeur qu’il a été difficile aux hommes de croire qu’un être humain ait pu en détruire un autre pour un tel motif.

Que le Ciel prenne en pitié le malheureux égaré au point d’être séparé de ses semblables par la bassesse