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HENRY DUNBAR

— Bien jeune !… bien jeune !… — murmura Balderby d’un ton de compassion.

— Oui, monsieur, trop jeune pour voir son existence perdue. Ce faux pas, cette mauvaise action fut sa ruine ; car, bien qu’il ne fût pas poursuivi, il fut perdu de réputation et n’occupa jamais plus une place honorable. Il alla de mal en pis, et, trois ans après que M. Henry se fut embarqué pour l’Inde, mon frère Joseph se vit traduit en cour d’assises sous l’inculpation d’avoir fabriqué de faux billets de la Banque d’Angleterre, et condamné à la transportation à vie.

— Ah ! — s’écria Balderby, — c’est une triste histoire, très-triste histoire. J’avais ouï dire quelque chose de ce genre, mais je ne savais pas toute la vérité. Votre frère est mort, je suppose ?

— J’ai tout lieu de le croire, monsieur, — répondit le vieux commis essuyant avec son mouchoir de coton rouge les larmes qui remplissaient ses yeux. — Pendant les quelques premières années de sa peine, il nous écrivit de temps en temps en se plaignant amèrement de son sort ; mais depuis vingt-cinq ans, je n’ai plus eu de ses nouvelles. Je ne puis douter de sa mort. Pauvre Joseph !… pauvre garçon !… pauvre garçon ! La douleur tua ma mère. M. Henry fut bien coupable le jour où il entraîna cet enfant au mal, et plus d’un malheur fut engendré par sa faute ; peut-être aura-t-il à en rendre compte quelque jour, que ce soit tôt ou tard. Je suis un vieillard et j’ai quelque expérience du monde. J’ai toujours vu que le châtiment manque rarement de frapper ceux qui font mal.

Balderby haussa les épaules.

— Votre philosophie est en défaut cette fois, mon bon Sampson, — dit-il ; — M. Dunbar a joui longtemps de l’impunité, et je ne vois pas la probabilité d’une expiation tardive.

— Ni moi non plus, monsieur, — répondit le vieux