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HENRY DUNBAR

arrivés ensemble dans le petit bois silencieux, le valet avait menacé son patron, ils s’étaient querellés et…

Non ! le meurtre n’avait pu que difficilement s’accomplir de cette manière. L’assassin avait été armé de la corde homicide et s’était glissé sans bruit derrière sa victime. Ce n’était pas un meurtre ordinaire ; la corde à nœud coulant, le traître nœud coulant révélait la connaissance approfondie des habitudes orientales : c’eût été à peu près ainsi qu’un Thug sanguinaire eût assailli sa victime à l’improviste.

Mais d’un autre côté il existait une circonstance qui parlait toujours en faveur de Dunbar, cette circonstance était le vol des habits du mort. L’Anglo-Indien aurait très-bien pu vider le portefeuille et le laisser sur la scène du crime pour dépister les agents de police. Cette précaution n’eût demandé qu’un moment.

Mais était-il probable, était-il même possible que l’assassin fût resté en plein jour auprès de sa victime où on pouvait le voir, assez longtemps pour la dépouiller de ses habits afin d’égarer plus efficacement les soupçons ? N’était-il pas bien plus probable que Wilmot avait passé l’après-midi à boire dans quelque cabaret sur le bord de la route et était revenu à la nuit dans le bois où quelque bandit vulgaire, n’ayant en vue que le vol, l’avait assassiné ?

Toutes ces pensées vinrent à l’esprit d’Arthur pendant qu’il était assis tenant en main la lettre jaunie de Sampson Wilmot. Margaret l’examinait d’un œil ardent et scrutateur. Elle voyait le doute, la perplexité, l’horreur, l’indécision se succéder tour à tour sur cette belle figure.

Mais l’avoué comprit qu’il était de son devoir d’agir et d’agir dans l’intérêt de son client, quelque hideux que fussent les doutes qui s’élevaient en lui. La conviction seule de la culpabilité de Dunbar pouvait l’autoriser à l’abandonner. Il n’était pas convaincu. Il était