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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

seulement saisi d’horreur en face du doute auquel il venait de prêter l’oreille pour la première fois.

M. Dunbar refuse de vous voir, — dit-il à Margaret, — et je ne vois pas qu’il puisse résulter un bien quelconque d’une entrevue entre vous. En attendant, si vous êtes dans la gêne et que vous ayez, comme cela peut se faire en pareil cas, besoin d’assistance, il est tout disposé à vous venir en aide.

Il ouvrit, en parlant, la bourse de Dunbar, mais la jeune fille se leva et le regarda d’un air de profond dédain.

— J’aimerais mieux me traîner de porte en porte en mendiant mon pain chez les étrangers… j’aimerais mieux mourir de faim petit à petit que d’accepter un secours de M. Dunbar. Aucune puissance humaine ne parviendra à me faire accepter six pence de la main de cet homme.

— Pourquoi pas ?

— Vous savez pourquoi. Je vois cela sur votre figure. Dites à M. Dunbar que j’attendrai à la porte de cette maison jusqu’à ce qu’il vienne me parler. J’attendrai jusqu’à ce que je tombe morte.

Arthur revint auprès de son client et lui rapporta les paroles de la jeune fille.

Dunbar se promena de long en large dans la chambre, la tête penchée sur la poitrine.

— Morbleu ! — s’écria-t-il d’un ton colère, — je ferai éloigner cette jeune fille par la police si…

Il s’arrêta brusquement et courba de nouveau la tête.

— Je vous conseillerais de la voir, — dit Lovell avec une intonation presque suppliante. — Si elle s’en va dans la situation d’esprit où elle se trouve maintenant, elle peut donner naissance à une terrible calomnie contre vous. Votre refus de la voir confirmera les soupçons qui…

— Comment ! — s’écria Dunbar, — ose-t-elle me soupçonner ?