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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

C’était un homme fier et insociable. Quand la petite noblesse du comté vint lui souhaiter la bienvenue en Angleterre, il reçut ses visiteurs et les remercia de leur courtoisie. Mais il y avait dans ses manières quelque chose qui éloignait l’amitié au lieu de l’attirer. Il donna un grand dîner quelque temps après son arrivée à Maudesley ; mais quand les invitations plurent sur lui de toutes parts, il les refusa les unes après les autres en alléguant pour prétexte sa santé, cruellement éprouvée, disait-il, par son long séjour à Calcutta.

Et pourtant, il avait l’extérieur d’un homme vigoureux. Grand, large de poitrine, robuste, il était difficile de découvrir chez Dunbar un des signes habituels de la mauvaise santé. Il était très-pâle, et cette pâleur constante était le seul symptôme de la maladie dont il était atteint.

Il se levait de grand matin, montait son cheval favori, Dragon, pendant plusieurs heures, puis il déjeunait. Après déjeuner, il s’asseyait dans son somptueux cabinet de travail, et y passait sa journée tantôt à lire ou à écrire, et tantôt à réfléchir en silence, en contemplant les cendres rouges du foyer. À six heures, il dînait sans sortir de ses appartements, car il n’était pas assez bien, disait-il, pour dîner avec sa fille, et il veillait très-tard dans la soirée, non sans boire beaucoup, comme le bruit en courait à l’office parmi les domestiques.

On le respectait et on le craignait dans sa maison, mais il n’était pas aimé. Ses manières taciturnes et réservées avaient une triste influence sur les serviteurs qui l’approchaient, et on le comparait, à son désavantage, à Percival Dunbar, son prédécesseur, qui avait été un maître cordial ayant toujours une bonne parole pour ceux qui le servaient, depuis l’imposante femme de charge en robe de soie jusqu’au dernier garçon d’écurie.