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HENRY DUNBAR

le baronnet attachait son cheval à une branche basse du premier orme venu, et se postant à côté de Mlle Dunbar il s’amusait à lui donner une leçon de perspective, avec quelques remarques à l’adresse de Mlle Macmahon qui dessinait bien mieux que sa sœur, ce que le jeune homme ne tarda pas à reconnaître, et qui n’avait en réalité besoin que de quelques conseils.

Par la suite, ces rencontres devinrent une véritable habitude. Des heures particulières furent fixées pour ces études artistiques, et Philip cessa complétement d’aller à Lisford. Il se contenta de passer presque toutes ses matinées sous les ormes de Maudesley. Il trouva que la fille du banquier était une élève très-intelligente, mais je crois que Mlle Dunbar, eût-elle été moins intelligente, son maître de dessein eût été patient avec elle, et n’en aurait pas moins continué à se plaire sous les vieux ormes plus que partout ailleurs.

Quelles paroles peindront le plaisir égal qu’il y a à donner et à recevoir ces leçons, dans un art également chéri du maître et de l’élève, mais qui n’entrait que pour une bien faible partie dans le bonheur de ces rendez-vous agrestes ? Qui peindra le désespoir de Laura quand elle s’apercevait que l’ombre du château n’était pas sur le même plan que le château lui-même, et que la lointaine rangée des peupliers se complaisait à prendre une direction oblique en dépit de tous ses efforts ? Et le taillage des crayons, et la mie de pain réparatrice, et les morceaux de gomme égarés, et le délayage des couleurs pour l’aquarelle, et la palette qu’il fallait ajuster sur le pouce le plus mignon du monde, les pinceaux qu’il fallait tenir de la plus petite main qui ait jamais tremblé au contact tendre et timide des doigts d’un professeur amateur ; tous ces petits riens, si vulgaires et si fastidieux lorsqu’ils sont accomplis par quelque professeur affamé et mal payé