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HENRY DUNBAR

homme pendant les dernières semaines, mais chaque journée nouvelle lui avait apporté un nouveau désappointement. Et pourtant elle était parfaitement convaincue que Philip aimait sa jeune maîtresse. L’œil pénétrant de la digne femme avait deviné les sentiments du jeune homme bien longtemps avant que Laura osât se dire tout bas qu’elle était aimée. Pourquoi donc alors ne se déclarait-il pas ? Qui mieux que Laura Dunbar avec son splendide douaire de richesse et de beauté pouvait convenir pour femme au maître de Jocelyn’s Rock ?

Pleine de ces ambitieuses pensées, Élisabeth avait joué son rôle de duègne avec assez de discrétion pour fournir aux jeunes gens de nombreuses occasions de causer en tête-à-tête, de se faire leurs confidences, et de roucouler doucement comme les ramiers dans les bois. Mais dans toutes ces conversations aucun mot ayant trait à une offre de mariage n’était tombé des lèvres de Philip Jocelyn.

Il était si heureux avec Laura, si heureux pendant ces charmantes rencontres sous les ormes de Maudesley, qu’une idée aussi vulgaire qu’une demande en mariage ne lui était pas venue à l’esprit.

L’aimait-il, dira-t-on ? Sans doute, il l’aimait plus qu’il n’avait aimé personne au monde, à l’exception de cet être doux et tendre dont l’image, d’une beauté indécise, se mêlait aux rêves et aux réalités de son enfance, pendant cette période brumeuse dans laquelle on distingue difficilement les fantasmagories nocturnes des événements du jour, de cette pâle et douce créature qu’il commençait à peine à appeler du nom de mère lorsqu’elle disparut à jamais.

Ce fut seulement lorsque le temps devint froid que sir Philip commença à songer à la grande affaire de la demande en mariage. Il fallait parler au banquier et lui parler longuement. C’est ce que le baronnet se