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HENRY DUNBAR

Mais quand un homme se laisse aller à la pitié pour une très-jolie jeune fille, il se place sur une espèce de corde raide morale, et il faut qu’il soit moralement un Blondin s’il espère pouvoir marcher en sûreté sur l’étroite ligne qui le sépare du grand abîme que nous nommons l’amour.

Il n’y a pas beaucoup de Blondins, soit au physique, soit au moral, et la conséquence est que sur dix des hommes qui se mettent dans cette position périlleuse, neuf trouvent très-glissante l’étroite ligne qu’ils ont à parcourir, et, avant qu’ils aient fait vingt pas, ils plongent la tête la première au fond de l’abîme et sont amoureux à en perdre la tête avant de s’en douter.

Clément devint amoureux de Margaret, et ses tendres égards, son dévouement respectueux furent choses nouvelles et très-agréables pour la jeune fille. Il eût été étrange que dans des conditions pareilles son amour eût été sans espoir.

Il ne se pressa pas beaucoup de faire l’aveu de ses sentiments, car il avait une alliée puissante en sa mère qui l’adorait, et lui aurait permis d’amener chez elle une jeune négresse ou une Indienne du nord de l’Amérique si cela eût été nécessaire à son bonheur. Mme Austin découvrit promptement le secret de son fils, car celui-ci n’avait pas pris la peine de cacher ses sentiments à la mère indulgente qui avait été sa confidente depuis l’enfance.

Elle lui avoua néanmoins qu’elle aurait mieux aimé que son choix se fût porté sur quelque demoiselle pourvue d’avantages mondains plus considérables ; mais lorsque Clément laissa voir son désappointement, sa bonne âme s’attendrit immédiatement, et elle déclara que si Margaret était aussi bonne que belle, et qu’elle fût sincèrement dévouée à son fils, elle, Mme Austin, ne demandait rien de plus.

Heureusement elle ne savait rien des antécédents de