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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

Wilmot, ni de la lettre adressée à l’île de Norfolk. Si elle eût été dans le secret, elle se serait peut-être fortement opposée au mariage de son fils avec une jeune fille dont le père avait passé une bonne partie de sa vie dans une colonie pénitentiaire.

— Nous ne parlerons pas du passé à ma mère, mademoiselle Wilmot, — avait dit Clément, — nous ne lui raconterons que ce qui vous concerne exclusivement. Que l’histoire de votre malheureux père reste un secret entre vous et moi. Ma mère vous aime beaucoup, et je serais fâché qu’elle apprît quelque chose qui heurtât ses préjugés. Je veux qu’elle vous aime de plus en plus chaque jour.

Les désirs de Clément furent exaucés, car la bonne veuve s’attacha de plus en plus à Margaret Wilmot. Elle avait reconnu que la jeune fille avait en musique un talent plus qu’ordinaire, et elle proposa à Margaret de louer un joli premier étage bien meublé dans l’un des charmants cottages de Clapham et de commencer aussitôt à donner des leçons de piano chez elle.

— Je vous procurerai beaucoup d’élèves, ma chère enfant, — dit Mme Austin, — car j’habite Clapham depuis plus de trente ans, c’est-à-dire depuis la naissance de Clément, et je connais presque tout le monde dans le voisinage. Vous n’avez qu’à ne pas faire payer trop cher, et les parents seront bien aises de vous envoyer leurs enfants. Je donnerai une petite soirée tout exprès afin que mes amis puissent vous entendre jouer quelques morceaux.

Mme Austin donna donc sa petite soirée, et Margaret y parut vêtue d’une robe de soie noire qu’elle avait depuis longtemps dans sa garde-robe et qui eût paru usée en plein jour. Celle qui la portait n’en fut cependant pas moins jolie ni moins élégante à la lueur des bougies de Mme Austin, et l’aristocratie de Clapham remarqua que la jeune personne que Mme Austin