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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

et avait donné ses meilleurs conseils à la jeune fille, mais cela n’avait servi à rien. Les différentes preuves qui accusaient Dunbar n’étaient pas assez fortes pour le faire condamner. Le caissier s’adressa aux agents de la police secrète qui avaient eu la direction des recherches, mais ils se contentèrent de secouer gravement la tête et de le renvoyer, en le remerciant de ses renseignements. Rien de ce qu’il avait à leur dire n’était une accusation sérieuse contre Dunbar.

— Un gentleman riche à millions ne livre pas son cou au bourreau, à moins d’y être poussé par de puissants motifs, — dit un des agents. — Il faut donc trouver ces motifs puissants, monsieur, et moi je n’en vois aucun dans cette affaire.

— Le secret que Joseph Wilmot possédait…

— Allons donc, cher monsieur ! Henry Dunbar aurait pu acheter tous les secrets du monde. Les secrets sont comme toute autre chose, on ne les garde que pour les vendre. Bonjour, monsieur.

Après cette réponse, Clément dit à Margaret qu’il ne pouvait lui être d’aucun secours. L’homme assassiné devait reposer en paix dans sa tombe. Il n’y avait pas à espérer que le mystère de sa destinée fût jamais éclairci par une intelligence humaine.

Mais Margaret ne cessa pas de songer à Dunbar. Seulement elle attendit.

Même lorsqu’elle était très-heureuse au milieu de ses nouveaux amis, la pensée qui la dominait toujours, c’était de voir Dunbar. Malgré l’entêtement de celui-ci à éviter toute entrevue avec elle, elle le verrait, et alors, une fois ce but atteint et face à face avec lui, elle l’accuserait hardiment d’avoir assassiné son père. Si dans ce moment il ne balbutiait pas ou ne faiblissait pas, si elle lisait son innocence sur sa figure, elle abandonnerait ses doutes sur lui, et se déciderait à croire que Wilmot avait été tué par un inconnu.