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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

quelque temps auparavant, Philip eût regardé comme le plus important, sinon comme le plus heureux de l’année. C’était le jour du steeple-chase de Shorncliffe, et le baronnet s’était depuis longtemps engagé à faire courir sa jument pur-sang Guinevere, pour une certaine coupe d’argent souscrite par les officiers en garnison à Shorncliffe.

Cette course présentait un intérêt spécial pour Philip parce que c’était la dernière qu’il devait courir… la dernière : il l’avait solennellement promis à Laura, qui avait essayé de le dissuader de celle-ci. Laura était courageuse, mais elle avait une si grande affection pour son fiance, qu’elle ne pouvait se défendre de trembler.

— Je sais bien que je suis folle, cher Philip, — disait-elle, — mais j’ai peur, bien que je m’en défende. Je pense à tous les accidents dont j’ai entendu parler ou dont j’ai lu le récit. Je rêve toutes les nuits à cette course. Philip, renoncez-y pour me faire plaisir !

— Ma chérie, mon adorée, il n’est rien que je ne fasse pour vous faire plaisir, tant que mon honneur me le permettra ; mais, chère Laura, ceci m’est impossible. Vous voyez bien que je suis très-bien portant et que la jument ne laisse rien à désirer ; vous l’avez vue l’autre matin accomplir son galop d’essai. Ne craignez donc rien. Mon nom est inscrit pour cette course depuis six mois, chère enfant, et il y a une foule de petits fermiers et de braves gens qui ont parié pour moi ; ils perdraient tout, les pauvres diables, si je me retirais au dernier moment. Les règles des paris sont inexorables. Il n’est rien au monde que je ne sois disposé à faire pour vous être agréable, mais ceux qui me soutiennent sont pauvres, et je ne puis les ruiner. Il faut que je figure à cette course, chère Laura, et que j’en sorte victorieux.