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HENRY DUNBAR

Mlle Dunbar savait ce que signifiaient ces dernières paroles, et elle vit passer devant ses yeux l’image de son fiancé courant comme la foudre sur son ardente jument brune, dont la réputation était familière à tout le comté, hommes, femmes et enfants. Mais quelles que fussent ses craintes, il lui fallut se contenter de la promesse que lui avait faite Philip, que ce serait sa dernière course.

Ce jour arriva enfin. Le temps était légèrement brumeux, la température douce, et le soleil voilé. Le ciel avait une teinte grise uniforme, et semblait suspendu à une faible distance de la terre. Les toques et les jaquettes aux couleurs voyantes des gentlemen-riders tranchaient sur ce fond monotone, et les robes des dames qui se tenaient dans la modeste construction en bois qui faisait l’office de grand pavillon, animaient le paysage morose.

Le champ de course formait un ovale allongé et s’étendait à travers trois ou quatre prairies en traversant un chemin de communication. Les obstacles, bien que de construction grossière, étaient formidables. Laura avait parcouru le terrain en compagnie de son fiancé, et avait regardé avec terreur les haies menaçantes et les fossés profonds et larges pleins d’eau bourbeuse ; mais Philip ne fit que rire de sa frayeur, et lui dit que ces obstacles étaient insignifiants et à peine dignes de sa jument.

Il n’y avait pas foule sur le champ de course, mais une haie de spectateurs s’étendait de chaque côté des cordes. C’étaient des soldats de la garnison de Shorncliffe, des paysans et des badauds de toute sorte. Un ou deux drags étaient surchargés d’officiers et de leurs amis, qui étaient groupés dans mille postures périlleuses et faisaient une consommation effroyable de champagne, de bière et de salade de homard pendant les intervalles des courses. Une seule ligne de voitures s’étendait en face des tribunes. Le tableau était animé