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HENRY DUNBAR

La voiture avait été amenée à l’extrême limite du champ de courses, et Laura, pâle et inquiète, était accoudée sur la portière, les yeux tournés vers l’enceinte du pesage. Elle apercevait les gentlemen-riders qui entraient et sortaient, et au milieu d’eux celui dont son bonheur dépendait, enveloppé dans un vaste pardessus, très-affairé, et entouré de ses grooms et de ses gens. Tout le monde connaissait Mlle Dunbar et savait qu’elle allait épouser le jeune baronnet, aussi les spectateurs regardaient-ils avec intérêt ce visage inquiet qui veillait à la portière de cette voiture. Je parle des braves campagnards, gens simples, venus là pour s’amuser. De l’autre côté du champ de courses, il y avait des gens qui s’inquiétaient fort peu de Mlle Dunbar et de ses agitations. Peu leur importait que le jeune baronnet roulât mortellement blessé sur l’arène, sous le poids de sa jument baie, pourvu que l’événement fût profitable à leurs intérêts. Dans la petite enceinte, au-dessous des tribunes, les parieurs, cette étrange population qu’on voit paraître sur tous les champs de courses, de Berwick-sur-la-Tweed au Land’s-End, des rives du Shannon aux belles prairies de la Normandie, étaient entassés et vociféraient les noms de sir Philip et de ses adversaires.

Parmi les parieurs prêts à jouer pour ou contre n’importe quoi et ceux qui vociféraient le plus désagréablement leurs offres et leurs enjeux, il y avait un homme bien connu dans la classe des parieurs infimes auxquels il se joignait, qu’on savait ne posséder qu’un très-mince capital, mais qui n’avait jamais failli à ses engagements. Les gens bien informés disaient que cet homme était digne d’occuper le premier rang, mais nul ne savait ou il demeurait ni ce qu’il était. Il ne manquait pas une course, et il se faisait remarquer dans ces retraites mystérieuses où les parieurs plé-