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HENRY DUNBAR

mirait malgré sa pauvreté ; et les habitants de Godolphin Cottages, les commères du voisinage, qui lui souhaitaient le bonjour quand elle passait dans la ruelle boueuse, tenant à la main son rouleau de musique, déclaraient que c’était une jeune personne de grande famille. Peut-être ces braves gens qui admiraient Margaret Wentworth auraient-ils été plus près de la vérité en disant qu’elle était une dame par droit divin, car elle tirait toute sa distinction d’elle-même : chez elle, la grâce et la gentillesse étaient naturelles, et elles n’avaient jamais eu besoin de lui être inculquées par aucun maître.

Elle n’avait plus sa mère, et elle gardait à peine le souvenir de la femme qui était morte il y avait dix-sept ans, laissant une fille unique âgée de douze mois à la charge de James Wentworth.

Mais Wentworth, qui était un vaurien et un réprouvé, dont les moyens d’existence étaient un secret pour ses voisins, avait beaucoup négligé cette enfant. Il l’avait négligée, quoique à mesure qu’elle grandissait d’année en année elle ressemblât de plus en plus à sa mère, et qu’à l’âge de dix-huit ans elle fût devenue une femme charmante, avec des cheveux et des yeux noirs.

Et pourtant, Wentworth aimait son unique enfant à sa manière. Parfois, il restait à la maison des semaines entières en proie à une sombre mélancolie, sous l’influence de laquelle il passait des heures et des jours entiers à réfléchir au coin du modeste foyer de sa fille.

D’autres fois il disparaissait, tantôt pour quelques jours seulement, et tantôt pour des semaines et des mois consécutivement ; et, pendant son absence, Margaret endurait toutes les angoisses de l’attente.

Quelquefois, il rapportait de l’argent, et quelquefois aussi il vivait sur le maigre salaire de Margaret.

Mais, quelle que fût la manière dont il la traitât, il était toujours fier de sa fille et ne cessait pas de l’imiter