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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

grand intérêt lorsqu’il avait entendu prononcer le nom de Dunbar aux courses de Shorncliffe. Le Major avait eu beaucoup de bonheur dans ses dernières spéculations, et s’était rendu directement du champ de courses au village de Lisford. Il était descendu à la Rose et la Couronne, une jolie hôtellerie, hospitalière au voyageur. Le Major était très-réservé sur le sujet de ses opérations de sport lorsqu’il se trouvait au milieu de gens naïfs et ignorants. Dans ce cas-là, bien qu’il se laissât aller à parier pour n’importe quoi contre quelque paysan borné ou quelque boutiquier de village, son ignorance des questions du turf était véritablement édifiante.

Il était voyageur en bijouterie de Birmingham, dit-il à la maîtresse de cette paisible petite auberge, et il regagnait ce bruyant centre commercial pour y renouveler sa pacotille d’émeraudes de verre et de rubis gigantesques doublés de clinquant. Le Major, habituellement si morose et si silencieux, parvint à se faire très-bien venir des gais habitués de la confortable petite salle commune de la Rose et la Couronne.

Il dîna et soupa dans ce charmant endroit et y passa toute la soirée, écoutant la conversation des Lisfordiens, causant avec eux et buvant son grog au gin de l’air d’un homme de taille à consommer un tonneau de jus de baies de genièvre sans être incommodé le moins du monde. Il but et mangea comme un vigoureux gaillard qui a des muscles d’acier, et ses yeux noirs pétillants ne perdirent pas de vue les figures des bons provinciaux pendant qu’il prêtait l’oreille à tout ce qui se disait. Évidemment, il fut longuement question de l’événement du lendemain. Chacun eut quelque chose à dire sur Mlle Dunbar et son opulent père qui vivait si retiré au château, et dont les allures étaient si différentes de celles de son père.

Le Major écoutait chaque parole et ne lançait une ou