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HENRY DUNBAR

deux phrases de temps en temps que lorsqu’il voyait la conversation s’arrêter ou qu’il craignait un changement de sujet.

Par ce moyen, il parvint à faire causer les Lisfordiens sur un seul sujet, et ce sujet était les manières et les habitudes de Dunbar.

Dans la matinée du mariage, le Major arriva de très-bonne heure à l’église. La pluie battante n’était qu’une bagatelle pour lui ; il y était habitué, et c’était même pour lui une bonne excuse qui lui permettait de boutonner son habit jusqu’au menton et d’en relever le collet jusqu’à ses grosses oreilles rouges.

Il trouva la porte de l’église entr’ouverte, quoiqu’il fût de bonne heure, et entrant doucement il aperçut le bedeau tory et quelques enfants orphelins tout mouillés.

Le Major trouva moyen d’engager la conversation avec le bedeau tory, ce qui n’était pas difficile, vu que le susdit bedeau était toujours disposé à profiter de l’occasion de s’écouter parler. Il va sans dire que le loquace bedeau parla surtout de sir Philip Jocelyn et de la fille du banquier, et qu’il s’étendit longuement sur l’immense richesse de Dunbar.

— J’ai entendu dire que M. Dunbar est l’homme le plus riche de l’Europe après l’empereur de Russie et le baron de Rothschild, — dit le bedeau, — mais je puis affirmer seulement qu’il a de l’argent à ne savoir qu’en faire, puisqu’il passe sa journée assis devant son feu dans sa chambre ou bien à se promener à cheval à la brune, si toutefois le bruit qui circule est vrai.

Voici ce que je vais faire, — dit le Major ; — puisque je suis à Lisford qui, à vous parler franchement, est le plus triste coin de la terre que j’aie jamais rencontré, je resterai ici pour assister au mariage. Je suppose qu’il vous sera facile de me loger dans quelque banc bien tranquille, là-bas, à l’ombre, d’où je pourrai